Le film de Margarethe von Trotta s’inspire de faits réels historiques
Le film Rosenstrasse de Margarethe von Trotta avec Katja Riemann se fonde sur une reconstitution historique des événements qui se déroulèrent à Berlin entre le 27 février 1943 et le 6 mars 1943. Avant de comparer les différences entre le film Rosenstrasse et les faits réels, il s’impose de revenir sur ce que les Allemands dénomment les manifestations de Rosenstrasse avec une explication sur ces journées sombres qui ont marqué l’Histoire de la Seconde Guerre mondiale.
La Rosenstrasse ou Rosenstraße sous son orthographe allemande est une rue de Berlin au cœur du quartier de Mitte dont le nom se traduit tout simplement par Rue des Roses. En 1943, du 27 février au 6 mars, des centaines de femmes allemandes désignées comme aryennes par le gouvernement ont manifesté devant un immeuble de la rue Rosenstrasse pour réclamer les libérations de leurs maris juifs et parfois de leurs enfants. Jusqu’à cette date, les conjoints juifs de femmes allemandes aryennes, d’après les lois de Nuremberg, n’étaient pas poursuivis par les autorités. Cependant, il semble que la défaite de l’armée allemande à Stalingrad en février 1943 ait conduit le ministre de la propagande Joseph Goebbels à organiser une rafle en incarcérant époux et enfants dans cinq lieux d’emprisonnement à Berlin dont un immeuble de la Rosenstrasse ! Les hommes allemands de religion juive n’avaient pas été poursuivis auparavant puisque le régime en place préférait pousser les femmes aryennes à divorcer en brisant ainsi leurs mariages mixtes, dénommés en allemand les Mischehen. Les divorces encouragés par les gouvernement allemand furent un échec. Le 27 février 1943, la Gestapo arrête notamment 1700 hommes mariés à des femmes aryennes. Plusieurs centaines d’hommes sont emprisonnés au 2 et 4 rue Rosenstrasse dans un immeuble qui abritait antérieurement un bureau d’aides sociales. Le 27 février 1943, plus de 200 femmes allemandes sont rassemblées au pied de l’immeuble de la rue Rosenstrasse en réclamant la libération de leurs époux. Le 28 février 1943, elles sont plus de 400 femmes aryennes à manifester devant le 2 et 4 rue Rosenstrasse pour continuer de réclamer la libération de leurs époux ! Les menaces des autorités allemandes, la dispersion forcée des manifestantes, les tirs de sommation, ne parviennent pas à briser la volonté des épouses allemandes qui reviennent chaque jour devant l’immeuble situé au 2 et 4 rue Rosenstrasse. Le 6 mars, les détenus mariés à des femmes aryennes et leurs enfants sont libérés ! Les autorités justifient la libération des prisonniers en prétextant une erreur de la Gestapo. Par la suite, ces hommes ne furent plus jamais interpellés ni inquiétés par les forces de l’ordre. Les véritables causes de la libération des prisonniers sont en réalité la peur du gouvernement allemand d’un développement du mouvement de Résistance à travers l’Allemagne. Un monument dédié aux femmes courageuses qui ont participé aux manifestations de Rosenstrasse a été installé dans le quartier de Mitte à Berlin en 1985 ; ce mémorial massif a été intitulé Block den Frauen par sa créatrice Ingeborg Hunzinger.
Le film Rosenstrasse de Margarethe von Trotta est inspiré d’une histoire vraie mais il s’agit d’une réécriture de l’Histoire allemande. Margarethe von Trotta fait coucher son héroïne Lena Fischer, interprétée par la magnétique Katja Riemann, avec le ministre de la propagande Joseph Goebbels afin de sauver son mari emprisonné. Cette relation charnelle tabou est une pure fiction qui a l’inconvénient de réduire l’importance historique des manifestations de femmes rue Rosenstrasse. Le film Rosenstrasse sacrifie ainsi les faits de la véritable résistance de femmes aryennes sur l’autel de la dramaturgie. Par ailleurs, le film Rosenstrasse sombre parfois dans la caricature de ses personnages avec notamment des femmes nazies blondes et stupides : un cliché redondant kitchissime qui a inspiré des cinéastes tels que Quentin Tarantino ! Le fond de l’histoire du film Rosenstrasse est donc bien réel mais le traitement dramatique des faits altère la réalité au point de minimiser l’importance des manifestations de femmes allemandes rue Rosenstrasse qui demeure sans aucun doute la véritable raison de la libération des prisonniers. La perte de la 6ème armée allemande à Stalingrad avait suffisamment démoralisé le Reich qui ne pouvait en aucun cas se permettre des contestations internes. Le courage des femmes de la rue Rosenstrasse est le véritable élément déclencheur de la libération de leurs maris… et non pas des coïts adultères avec des dignitaires du gouvernement allemand !


